Page:LeMay - Tonkourou (nouvelle édition de Les Vengeances), 1888.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
tonkourou


Où nulle barque alors ne traçait de sillage,
Montait noyant le sable avec le coquillage,
Noyant bientôt encor, les galets à leur tour,
Et les quartiers de roc aussi hauts qu’une tour.

Et telle que la mer, quand le montant arrive,
Engloutit toute chose et nivelle la rive,
Telle ici bas aussi l’inévitable mort,
Corrigeant, chaque jour, les caprices du sort,
Et semant sans pitié la terreur autour d’elle,
Sous un flot insondable engloutit et nivelle
Toute inégalité chez les pauvres humains.

Léon ne croyait plus aux joyeux lendemains.
Il fait glisser alors sur la nappe azurée
Un canot que déjà soulève la marée :
Il s’assied à l’arrière, et son frêle aviron
S’enfonce dans la vague ainsi qu’un éperon
S’enfonce dans le flanc d’un coursier qui se cambre.
De larges gouttes d’eau, comme des éclats d’ambre,
Retombent de la pale. Et le bac gracieux
Paraît comme un oiseau qui plane dans les cieux.

Puis il vire de bord quand il est loin de terre.