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tonkourou

Consulter la sorcière. Ils demandaient, tout bas,
Où serait la victoire à la fin des combats.

La sorcière écoutait ces gens, morne, sévère.
Elle ouvrit un placard, prit un flacon de verre,
L’emplit d’un noir liquide et l’agita bien fort.
La sueur à son front, comme après un effort,
Ruisselle tout à coup. De ses lèvres étiques
Tombent en même temps des mots cabalistiques.

L’infernale liqueur se transforme à ce jeu,
Et semble se remplir de globules de feu.
Le flacon n’est plus noir ; il est devenu rouge.
Il bout, fume et s’épand sur le plancher du bouge
Qui demeure souillé d’une tache de sang.
De même le chasseur voit l’onde d’un étang
Où tombe l’épervier que le plomb vient d’atteindre,
Frémir légèrement et de pourpre se teindre.

La vieille regarda d’un œil épouvanté,
Sur le plancher de bois, le flacon enchanté.
Une flamme inconnue anime sa figure ;
Elle fixe toujours le formidable augure ;
Sa poitrine bondit sous des soupirs sifflants ;
Elle étreint les haillons qui cachent mal ses flancs.