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tonkourou

De haine et d’amitié, de crainte et de respect.
Il évitait chacun, se montrait circonspect
Et, sous un air méchant, cachait de l’obligeance.

Le sauvage est cruel ; il aime la vengeance ;
Mais il sait d’un bienfait garder le souvenir.
Pour assouvir sa haine il attend l’avenir ;
Il l’attend pour montrer toute sa gratitude.



Ruzard n’avait plus peur et changeait d’attitude.
Il avait, pensait-il, été trop suppliant.
Il évitait Léon. C’est tant humiliant
De revoir un rival qui nous sauve la vie.
Son âme rancunière, au lieu d’être ravie,
S’irritait d’avantage et s’emplissait de fiel ;
Dans sa rage jalouse il insultait le ciel
Et nourrissait déjà d’autres projets infâmes.

Cependant des vieillards, des jeunes gens, des femmes,
Effrayés des rumeurs de révolte, ou pressés
De connaître le sort de ces preux insensés
Qui relevaient la tête et fourbissaient leurs armes,
Allèrent avec lui, les yeux rouges de larmes,