Page:LeMay - Tonkourou (nouvelle édition de Les Vengeances), 1888.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
tonkourou

De son amour jaloux et des rêves qu’il fait,
Sur un plateau luisant qu’elle aveint du buffet,
Avec une candeur qui doucement attire,
Louise offre à chacun l’or des morceaux de tire.

Lozet est soucieux. Il fume seul. Souvent
Il entr’ouvre la porte où s’engouffre le vent,
Et cherche vers la côte et le morne rivage,
S’il verra revenir François et le sauvage ;
Mais il branle la tête et paraît sans espoir.
Sur le roc blanc toujours gisait le vaisseau noir.

Louise sent parfois une tristesse étrange,
Et le rire joyeux meurt sur sa lèvre d’ange,
Comme un frisson de l’eau sur le sable éclatant.
Pour plaire aux invités elle chanta pourtant.
Sa voix tremblait un peu, comme tremble une feuille,
Comme tremble l’épi que le glaneur recueille.
Or, comme elle achevait de chanter ses refrains,
Ruzard et Tonkourou, suivis de deux marins,
Entrèrent. Le premier dit avec impudence :

— Nous en amenons deux, grâce à la Providence.

Le huron ajouta :
— Les autres ont péri.