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tonkourou

Ils comparent leur temps à celui d’aujourd’hui
Qu’ils trouvent moins joyeux et souvent plein d’ennui.
Le présent nous fatigue et le jour qui s’envole
Se pare, en s’éloignant, d’une vive auréole.

Pour eux le Quatre-Sept est le plus beau des jeux.
Ils le rendent piquant et parfois orageux ;
Observent avec soin chaque carte qui passe,
Se risquent quelquefois dans une horrible impasse,
Ou, sur la défensive, ils ne relèvent point,
À moins que sur la table il ne se trouve un point.
La lutte est fort souvent d’intérêt toute pleine ;
Ils donnent le capot, reçoivent la vilaine.

Au bout d’une heure entra le vieux pilote Auger —
Pierre Auger, son vrai nom —
— Allez interroger
Ces deux pauvres joueurs aux moroses figures,
Qui semblent, lui dit-on, consulter les augures,
Ils vous diront comment, par des coups maladroits
Qui se font, Dieu merci ! rares dans nos endroits,
Ils en sont arrivés à se couvrir de honte.

— J’ai pitié du malheur ; mais au poêle de fonte
Laissez-moi réchauffer mes doigts quelques instants,
Dit Auger le pilote, il fait un rude temps.