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Les Peaux-Rouges de la Jeune-Lorette s’empressèrent de m’exhiber, moyennant quelques liards, le spectacle de leur dextérité à tirer l’arc, tandis que Charley alla commander à la bar, un cocktail au genièvre, préservatif indispensable, dit-il, contre l’épuisement que lui causerait les sentiers de la montagne. Passe pour le gin cocktail.

Il avait raison ; l’atroce chemin corderoy, semé d’ornières, de marécages, de gros cailloux, était assez pour vous rompre les os et vous disloquer l’épine dorsale.

Arrivés enfin au terme du voyage, Charley et moi nous nous embusquâmes confortablement dans la petite pièce qui contenait son attirail de chasse et de pêche et nous y réglâmes l’itinéraire de route, d’une expédition de pêche pour le lendemain : battre à la mouche les remous, pour de la grosse truite, en descendant jusque chez Sullivan.

Avant d’aller plus loin, réglons un point souvent débattu : « Le Jacques Cartier, est-il navigable, pour les canots d’écorce » ? Eh bien, oui, il l’est ! bien qu’à l’instar de nombreuses rivières, venant du nord-est et du nord, et qui portent au St-Laurent, le tribut de leurs eaux, il se plaît lui aussi, à promener ses flots orageux pendant une longue distance, au sein de défilés escarpés, barrés de chûtes, dans les montagnes sauvages et stériles, où il a pris sa source.

Émergeant enfin des régions montagneuses, il s’apaise ; il devient une rivière rangée, tranquille, dont le cours n’est interrompu que par une ou deux chûtes et quelques rapides. Dans le voisinage du St-Laurent, son lit se rétrécit, l’onde devient tumultueuse, avec une pente de plus de trois cents pieds, au mille ; mais on y fait portage facilement, par des sentiers battus.

Quand nous nous mîmes en route, la matinée était trop sereine, le temps presque trop clair, pour faire une bonne