Page:LeMoine - Chasse et pêche au Canada, 1887.djvu/262

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— Je me ferai fort de lui en porter la nouvelle, dis-je, en mettant le nez en dedans de la porte ; c’était donc là, Charley, l’objet de l’injonction formelle que vous venez de me faire de monter en place ; sachez qu’une pareille conduite sied mal à un mari et qu’elle est très inconvenante chez un employé du service public de Sa Majesté. J’étais tout fier de pouvoir me montrer sévère moraliste. Bientôt, Charley, après quelques tendres œillades à la belle Jane, se mit en marche, fit claquer son fouet ; la poste de Sa Majesté était en route pour Valcartier, à distance de dix-huit milles de Québec.

À Charlesbourg, Charley laissa un de ses sacs de malle et fit un grivois compliment, dans son français le plus soigné à la jeune fille du maître de poste.

Charley mérite une mention plus spéciale : le luron s’était tellement grisé à une fête de village, qu’il avait engendré chicane à une souche calcinée au milieu d’un champ, jurant que c’était un indien déguisé : ce qui lui avait mérité un drôle de sobriquet. Charley était un répertoire vivant d’anecdotes : il avait vu bien des pays, en outre de l’Australie et la Californie où il avait travaillé aux mines, sans en pouvoir extraire suffisamment de lingots pour faire fortune. Le problème de l’existence s’était présenté à lui sous bien des phases. Son humeur joviale lui était restée : ils s’était enfin établi à Valcartier : les chasseurs et les pêcheurs de Québec, chaque saison, étaient hébergés moyennant finance, sous son humble toit.

À Lorette, l’on fait étape à l’auberge de ce pittoresque hameau : un gamin au teint cuivré accourt, pour porter au bureau de poste, le sac de malle de l’endroit. Ce bureau était confié au soins éclairés d’un chef Huron, muni d’un nom de quinze atroces syllabes ; je le nommerai Vincent. J’allai contempler, du pont, l’onde tumultueuse qui s’engouffre sous ses arches altiers.