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songe au poids, à la force, à l’agilité, à la férocité constante de ce colosse des forêts. Mais, enfin, le jovial chasseur se console facilement en prenant pour devise « Histoires de Chasseurs ne sont pas Évangiles. »

Bien que l’ours noir du Canada n’ait ni le poids, ni la force, ni la férocité de son congénère de l’ouest, je ne conseillerai pas au trappeur, même le plus musculeux, de tenter à son égard, un pareil tour de force, que d’essayer en plein bois, de le soulever, en le prenant par les pattes de derrière : mal pourrait bien lui en advenir !

J’ai lu quelque part que le Baron de Crac, légendaire chasseur, avait le courage d’introduire, par l’œsophage dans la gueule béante d’un ours, son énorme main et d’aller saisir à l’intérieur, la racine de la queue de l’animal qu’il « retournait à l’envers comme un gant ; » mais, c’était là un ours allemand !…

Chez nous la chasse aux ours est plus prosaïque, moins accidentée, moins périlleuse.

Le trappeur en quête de sa dépouille, emploie de gros pièges appâtés de viande fraîche, lesquels il assujettit par une chaîne, non à un arbre ; car la résistance que lui offrirait cet obstacle pourrait causer un tel accès de colère à l’animal une fois pris, qu’il briserait le piège ou se casserait la patte ; puis, se libérerait avec ses dents. Il aura donc soin de le lier à une bûche de bois, que la bête entraînera à une petite distance ; elle s’affaiblira, plus tard, par la résistance ou par la faim.

On le prend encore avec une attrape, confectionnée de deux troncs d’arbres, balancés sur des poteaux, que l’animal sera forcé de déplacer avant d’atteindre l’appât à l’intérieur de l’attrape : une perdrix, un morceau de lard ou de bœuf ; les poutres perdant l’équilibre écraseront maître Martin dans leur chute.