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LE NOM DANS LE BRONZE

homme au nom aussi respectable, et appelez votre premier fils : Couillard un tel, c’est bien porté…

Mais Marguerite, toujours troublée, reste grave. Son rêve est-il frappé à mort ? La lecture de son propre nom sur le socle l’a comme envoûtée. Elle se voit la faucille à la main, dans les champs, son mari parti pour la guerre, la guerre contre les Anglais. Quelle aïeule revit donc en elle ? Si Philippe et Louise connaissaient son rêve, badineraient-ils ainsi ? Philippe le patriote, Philippe le fanatique, si elle lui avoue son amour, aura-t-il encore pour elle ce regard tendre et admirateur ? Aimer Steven, pour Philippe, c’est trahir ces aïeux, qui ont justement été les premiers défricheurs de ce sol, qui ont récolté le premier blé français, qui ont posé les premières pierres de cette ville.

Tout à coup, Philippe perçoit l’expression complexe du visage de Marguerite :

— Mais vous ne semblez pas ravie de l’honneur…

— J’ai peur qu’il ne soit lourd à porter…

Il veut la regarder mieux. Elle se détourne. Elle est devenue si pâle qu’un soupçon traverse la pensée