Page:Le Bon - Lois psychologiques de l’évolution des peuples.djvu/10

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la volonté, seules forces capables d’assurer aux nations leur indépendance.

Je l’ai répété dans ce livre et plus tard dans d’autres ouvrages la puissance d’un peuple ne dépend pas de son intelligence mais de son caractère. L’intelligence permet de scruter les mystères de la nature et d’utiliser ses forces. Le caractère apprend à se conduire et à résister victorieusement aux agressions.

Les qualités de caractère dont l’ensemble constitue l’âme nationale d’un peuple, sont formées par de lentes accumulations ancestrales. Elles finissent par composer un agrégat très stable de sentiments, de traditions et de croyances, codifiant à travers les âges les nécessités auxquelles est soumise la vie de chaque nation.

L’édification d’une âme nationale exige généralement plusieurs siècles. Stabilisée elle reste longtemps à l’abri de toutes les atteintes. Malgré les plus énergiques moyens, la grande Révolution échoua dans sa tentative de changer l’âme de la France. Les influences du passé reparurent bientôt et conduisirent aux restaurations diverses qui suivirent la période des bouleversements.

D’aussi importants événements laissent sans doute quelques traces dans la mentalité d’un peuple mais c’est seulement sous l’influence des changements de milieu que les transformations deviennent profondes. J’en ai donné la raison dans cet ouvrage en faisant voir qu’à côté de l’armature fondamentale de l’âme d’une race existaient des éléments secondaires permettant la naissance de personnalités nouvelles. La Révolution et le conflit européen en ont fourni bien des exemples.

Pour ce qui concerne la guerre ces changements de personnalités furent très nets. En France ils se produisirent instantanément. Les plus farouches révolutionnaires devinrent d’ardents patriotes, les timides se sentirent hardis, les partis contraires s’unifièrent dans une pensée commune.

La transformation de l’Angleterre fut plus lente mais non moins profonde. Le plus traditionnaliste des peuples finit par renoncer à toutes ses antipathies contre la vie militaire, oublier ses besoins de liberté et se faire une âme nou-