Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/202

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Un de nos collègues disait naguère : « S’il faut s’étonner d’une chose, c’est qu’il se trouve encore quelques jeunes gens disposés à suivre la carrière agricole, car tout les en détourne. » Rien n’est plus vrai, et un simple coup d’œil jeté sur notre régime scolaire suffira pour le démontrer.

… Rien, dans ses études, ne réveille en lui le goût de la vie rurale, rien ne le ramène aux champs : tout semble fait pour l’en éloigner. La nature de ses études, d’abord : elles sont, comme disait Montaigne, « purement livresques » ; elles lui inspirent le dédain des travaux manuels ; exclusivement théoriques, linguistiques et grammaticales, elles ne développent ni le sens pratique, ni l’esprit d’observation, ces deux conditions essentielles de succès en toute carrière, mais principalement dans la carrière agricole[1].

La conséquence de cet enseignement est que l’élève, qui devrait acquérir le goût de l’agriculture, prend au contraire cette profession en horreur, comme aussi tous les métiers manuels qu’il voit méprisés partout.

Aujourd’hui l’ouvrier ne veut plus que son fils travaille de ses mains ; il préfère en faire un petit employé mal payé, et nos écoles primaires ne contribuent que trop à ces illusions.

À Ia campagne, beaucoup d’agriculteurs ne veulent plus que leurs fils cultivent la terre ; ils cherchent à en faire de petits fonctionnaires. C’est une véritable contagion, si bien qu’en France, pour les travaux manuels, le terrassement, la culture, nous sommes obligés de faire venir des Italiens ou des Belges.

L’Algérie se peuple de Maltais, d’Espagnols, et pendant ce temps-là nos villes fourmillent de scribes, qui, en vertu de la loi de l’offre et de la demande, se contentent de traitements tout à fait insuffisants[2].

Les nécessités économiques de l’âge actuel deviennent de plus en plus pressantes, et, chez les peuples latins, ni les familles, ni l’Université ne les comprennent. Un ancien ministre, M. Hanotaux, a pro-

  1. Enquête, t. II, p. 388. R. Lavollée, docteur ès lettres.
  2. Enquête, t. II, p. 555. Keller, vice-président de la Société générale d’éducation.