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II
PRÉFACE

J’ai essayé d’aborder le difficile problème des foules avec des procédés exclusivement scientifiques, c’est-à-dire en tâchant d’avoir une méthode et en laissant de côté les opinions, les théories et les doctrines. C’est là, je crois, le seul moyen d’arriver à découvrir quelques parcelles de vérité, surtout quand il s’agit, comme ici, d’une question passionnant vivement les esprits. Le savant, qui cherche à constater un phénomène, n’a pas à s’occuper des intérêts que ses constatations peuvent heurter. Dans une publication récente, un éminent penseur, M. Goblet d’Alviela, faisait observer que, n’appartenant à aucune des écoles contemporaines, je me trouvais parfois en opposition avec certaines conclusions de toutes ces écoles. Ce nouveau travail méritera, je l’espère, la même observation. Appartenir à une école, c’est en épouser nécessairement les préjugés et les partis pris.

Je dois cependant expliquer au lecteur pourquoi il me verra tirer de mes études des conclusions différentes de celles qu’au premier abord on pourrait croire qu’elles comportent ; constater par exemple l’extrême infériorité mentale des foules, y compris les assemblées d’élite, et déclarer pourtant que, malgré cette infériorité, il serait dangereux de toucher à leur organisation.