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III
PRÉFACE

C’est que l’observation la plus attentive des faits de l’histoire m’a toujours montré que les organismes sociaux étant aussi compliqués que ceux de tous les êtres, il n’est pas du tout en notre pouvoir de leur faire subir brusquement des transformations profondes. La nature est radicale parfois, mais jamais comme nous l’entendons, et c’est pourquoi la manie des grandes réformes est ce qu’il y a de plus funeste pour un peuple, quelque excellentes que ces réformes puissent théoriquement paraître. Elles ne seraient utiles que s’il était possible de changer instantanément l’âme des nations. Or le temps seul possède un tel pouvoir. Ce qui gouverne les hommes, ce sont les idées, les sentiments et les mœurs, choses qui sont en nous-mêmes. Les institutions et les lois sont la manifestation de notre âme, l’expression de ses besoins. Procédant de cette âme, institutions et lois ne sauraient la changer.

L’étude des phénomènes sociaux ne peut être séparée de celle des peuples chez lesquels ils se sont produits. Philosophiquement, ces phénomènes peuvent avoir une valeur absolue ; pratiquement ils n’ont qu’une valeur relative.

Il faut donc, en étudiant un phénomène social, le considérer successivement sous deux aspects très différents. On voit alors que les enseignements de la raison