Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/184

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charrette enfonçaient dans le sable plus que de coutume.

— Sapristi, marmonna-t-elle entre ses dents, il faut que nous soyons terriblement chargés !...

Et, comme elle avait pris très peu de commissions en ville, comme, d'autre part, le vieux petit homme, tout rabougri, ne devait guère peser plus qu'un garçonnet, force était de supposer que c'était ce qu'il disait porter qui pesait si lourd. Et cela ne laissait pas de donner beaucoup à réfléchir à la bonne femme, peut-être aussi à Mogis lui-même qui, malgré son entrain, commençait à faiblir et butait presque à chaque pas. Lorsqu'il atteignit enfin la terre d*Enès-Veur, il n'avait plus un poil de sec.

Là, vous savez, il y a deux embranchements, l'un tournant à gauche vers l'église paroissiale de Saint-Sauveur, l'autre filant tout droit sur le bourg, où Marie-Job Kerguénou avait sa «demeurânce «.Mogis ayant fait halte de son propre mouvement, sans doute afin de reprendre haleine, elle en profita pour dire à son muet compagnon dont elle était plus que pressée de se séparer :

— Nous voici à l'île, mon ancien : Dieu vous conduise en votre route !

— Soit, gémit le vieux petit homme.

Et il essaya de se lever, mais ce fut pour retomber aussi vite sur le siège, sinon de tout son poids, du moins de tout le poids de la chose inconnue. Et, de nouveau, l'essieu ploya ; de nouveau le bruit de planches heurtées se fit entendre.

— Jamais je ne pourrai, soupira-t-il avec un accent