Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/285

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mais encore qu'il avait certainement aidé le vent à l'abattre.

Il n*y a de justice, vous le savez, que pour les riches : mon grand-père fut condamné à des dommages-intérêts considérables ; encore devait-il s'estimer heureux, lui dirent ces messieurs du tribunal, qu'on lui fît grâce de la prison. C'est à Lannion qu'on Tavait traité de la sorte. Il revint chez lui tout navré de chagrin. Ma grand'mère avait quelques écus d'économie soigneusement mis en réserve, derrière une pile de linge, dans son armoire. Hélas ! ils ne représentaient même pas le cinquième de ce qu'il y avait à payer pour les frais du procès. Mon grand-père était allé s'asseoir, sans courage, dans le coin de Tâtre : sa vieille lui dit, pour tâcher de le réconforter :

— Ne te désespère pas ainsi, Yann 1... Je vais de ce pas chez la propriétaire. Ou cette femme a un cœur de roche, ou bien je l'attendrirai si bien par mes supplications qu'elle nous accordera du moins un délai pour lui verser la somme.

— Fais comme tu voudras, répondit le pauvre cher homme. Mais, quant à ce qui est d'attendrir le cœur de cette femme, tu aurais, je crois, plus tôt fait d'user avec tes larmes la marche de pierre de son seuil.

Au bout d'une demi-heure, ma grand-mère était de retour : elle s'assit en face de son mari, de l'autre côté du foyer et, la tête dans les mains, fondit en sanglots.

— Tu ne sais pas, Yann ? gémit-elle enfin, quand elle put parler, elle va mettre la saisie sur nous.