Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/236

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Il avait déjà fait un somme, quand le bruit de la porte tournant sur ses gonds le réveilla.

— Qui est là ? demanda-t-il, en se mettant sur son séant.

— Tu ne m’attendais donc pas ? répondit une voix qu’il reconnut aussitôt, malgré son ton caverneux.

— À te dire vrai, François Roperz, je pensais que tu serais venu…

— Oui, je suis venu te montrer en quel état tu m’as mis !

La lune était haute dans le ciel ; sa vive lumière éclairait toutes choses dans la maison du fossoyeur.

— Vois, continua le spectre… On ne traite pas ainsi un vivant, encore moins un mort.

Il avait déboutonné sa veste à longues basques. Poaz-coz ferma les yeux. Il y avait de quoi mourir de dégoût. La poitrine du grand Roperz n’était plus qu’un trou hideux où des fragments de côtes brisées apparaissaient mêlés à une sorte de bouillie verdâtre.

— En vérité, François Roperz, suppliait le malheureux Poaz, en vérité, pardonne-moi !… Je ne suis pas aussi coupable que tu penses. Je ne voulais pas toucher à ta fosse. Je savais bien que ton temps n’était pas fini… Mais je ne suis qu’un domestique. Quand le recteur commande, je ne peux que m’incliner, sous peine de perdre mon unique gagne-pain, car je suis trop vieux pour changer de métier… D’ailleurs, c’est la première fois que pareille chose m’arrive. Jamais défunt n’avait encore eu à se plaindre de moi : tous ceux du cimetière te le diront…

— Aussi, je ne te garde pas rancune, Poaz-coz.