Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/237

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D’autant plus que tu as fait ton possible pour réparer le dommage que tu m’as causé involontairement…

Le fossoyeur rouvrit les yeux. Le spectre avait reboutonné sa veste. Poaz-coz l’écouta parler désormais sans épouvante.

— Je vois bien, s’écria-t-il, que, même dans l’autre monde, tu es resté le meilleur des hommes.

— Hélas ! fit Roperz, le meilleur d’ici ne vaut pas grand’chose là-bas.

— Tu n’es donc pas entièrement heureux ?

— Non. Il me manque une messe. J’ai pensé qu’après ce qui vient d’avoir lieu, tu n’hésiterais pas à la faire dire et à la payer de tes deniers.

— Certes non, je n’hésiterai pas. Tu auras la messe qui te manque, François Roperz !

— Tu ne m’as pas laissé finir ; il faut que cette messe soit dite par le recteur de Penvénan, par lui-même, entends-tu ?

— J’entends.

— Merci, Poaz-coz ! prononça le spectre. Ce fut sa dernière parole. Le fossoyeur le vit sortir, traverser la place du bourg, et franchir l’échalier du cimetière.

Le surlendemain, qui était un dimanche, au prône de la grand’messe, le recteur annonça pour le mardi de la semaine à venir un service « recommandé par Poëzevara, le fossoyeur, pour l’âme de François Roperz, de Kerviniou[1]. »

  1. Le fossoyeur Poëzevara est mort en 1889. La légende est de très récente formation, elle a pour point de départ des faits exacts ; le recteur n’est pas mort le jour où il a dit une messe pour l’âme du mort mutilé, mais il a eu une attaque ce jour-là. — [L. M.].