Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/281

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L’enfant qu’elle portait s’était mis à parler dans son sein[1].

Il disait :

— Ma pauvre petite mère, je sais que tu me tueras comme tu as tué mes cinq frères. Du moins, ne me fais pas mourir comme eux sans baptême. Sinon, ma pauvre petite mère, tu seras damnée, damnée pour l’éternité.

Depuis lors jusqu’au moment de sa délivrance, Yvona Coskêr entendit la voix de l’enfant répéter, chaque nuit, le même propos.

Quand elle eut accouché, clandestinement comme toujours, son premier soin fut de baptiser elle-même la chère créature. Puis, au lieu de l’étrangler, comme elle avait fait pour les autres, elle voulut lui donner à téter. Mais l’enfant se refusa à prendre le sein.

— Hélas ! mon lait est maudit, pensa-t-elle.

Et elle se mit à sangloter amèrement.

Le seigneur arriva sur ces entrefaites.

— Comment ! s’écria-t-il, rouge de colère, vous n’avez pas encore étranglé cet avorton !

Il arracha l’enfant des bras de la mère, lui tordit le cou, et l’emporta au petit bois, où il l’enfouit au pied du sixième arbre.

Yvona Coskêr cependant ne faisait plus que gémir. Elle s’était prise en horreur. Elle souhaitait d’être morte.

  1. Cf. pour l’épisode de l’enfant qui parle avant d’être né. Mélusine, IV, col. 228, 272, 274, 277, 297, 323, 405, 447 ; V. col. 36, 257 ; VI, col. 92. — [L. M.]