Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/298

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On fait saint Yves juge de la querelle.

Mais il faut être bien sûr d’avoir de son côté le bon droit.

Si c’est vous qui avez le tort, c’est vous qui serez frappé.

    suspendu en croix aux brancards d’une charrette. Ses assassins, qui étaient, je crois, ses beaux-frères, avaient tenté d’abord de se débarrasser de lui sans effusion de sang, en le faisant vouer à saint Yves par une vieille femme qui, lors de l’instruction de l’affaire, fit des aveux complets. Cela se passait il y a une quinzaine d’années. À la suite de ce scandale, le recteur de Trédarzec dans la paroisse duquel était situé l’oratoire, résolut de le détruire. Il le fit démolir pierre à pierre et relégua la statue du saint dans le grenier de son presbytère. Il espérait par ce moyen radical couper court à la superstition. Il n’en fut rien. On continua d’aller s’agenouiller sur l’emplacement de l’ossuaire. Les plus audacieux ne craignirent pas de frapper à la porte même du recteur, pour lui demander à voir le saint. Le recteur les éconduisit d’abord avec des ménagements ; plus tard, sa patience se lassant, il y mit, dit-on, quelque brutalité. Des pèlerins qu’il avait fait jeter hors de sa maison l’assignèrent au tribunal de saint Yves. Et, s’il faut en croire la légende, ce jour-là même qui était un dimanche, à l’issue de la grand’messe, il mourut.

    Quant à la superstition, elle est aussi vivace que jamais. Au mois d’août dernier on m’a montré du doigt une femme atteinte d’une maladie de langueur, en me disant : « Voyez celle-là ! c’est un tel qui l’a vouée. Elle n’attend plus que son terme. »

    À la moindre contestation qui tourne à l’aigre, on menace encore l’adversaire de l’aller vouer à saint Yves. Et la menace produit toujours son effet.

    Les renseignements que je donne sur ce culte homicide sont de provenances diverses. Mais je les ai plus particulièrement recueillis à Penvénan, de la bouche de Pierre Simon et de celle de Perrine Le Moal.