Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/307

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Quand il y a des naufrages dans la baie de Douarnenez, la mer transporte les noyés dans la grotte de l’Autel, près de Morgat. Leurs âmes séjournent en ce lieu pendant huit jours, avant de partir définitivement pour l’autre monde. Malheur à qui troublerait leur pénitence, en s’aventurant dans la grotte durant ces huit jours ! il y périrait de male mort[1].

    Les pêcheurs de ce hameau marin vous citent mille exemples à l’appui. En voici un tout récent. Dans le courant d’avril dernier un lougre venant de Cherbourg toucha sur l’un des nombreux écueils qui avoisinent les Sept-Iles. Il était monté par deux hommes d’équipage et commandé par le patron Bénard. Il y avait en outre à bord, comme passagers, deux piqueurs de pierres. Le patron et ses deux matelots sautèrent dans le canot, afin d’aller à la côte chercher du secours et sauver ensuite les piqueurs de pierres qui furent laissés sur l’épave. Il se trouva que l’épave fut portée par la marée au Port-Blanc, où les piqueurs de pierres furent recueillis sains et saufs, tandis que le canot sombrait corps et biens dans la dangereuse passe des Sept-Iles. Les cadavres des deux matelots furent retrouvés au bout de quelques jours. Mais c’est seulement cinq mois après le sinistre, en août, qu’on eut des nouvelles du patron Bénard. Des pêcheurs de Port-Blanc, mouillés au large, ont vu le long de leur bord filer son cadavre. Ils l’ont reconnu à ses vêtements demeurés presque intacts. Des goémons avaient déjà pris racine sur les côtes du mort et des patelles s’étaient attachées aux semelles de ses bottes. Quand les pêcheurs ont voulu le saisir, sa chair leur a coulé entre les doigts.

  1. Celui dont je tiens ce renseignement, — Prosper Pierre, de Douarnenez, — le complétait à l’aide de l’histoire que voici (on la raconte encore dans le pays) : Un brick anglais vint faire côte sur les rochers de Beg-ar-Gador (la pointe de la Chaise). Équipage et passagers furent engloutis. Le lendemain du sinistre, des