Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/422

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    d’une année, accouche d’un fils. Cependant, des amis se sont interposés et ont fléchi la colère paternelle. Jean reçoit le commandement d’un second navire. Le jour du départ venu, Constance se jette aux genoux de son mari, en lui demandant deux faveurs : 1o de la faire peindre sur la poupe du vaisseau, avec son fils et sa chère Isabelle ; 2o de tourner la proue du côté de Lisbonne et de mouiller le plus près possible du château de cette ville. À quoi Jean de Calais défère volontiers. L’élégance du navire attire l’attention des Portugais. Chacun le vient admirer. Le roi de Portugal lui-même se laisse prendre à la curiosité commune. Dès qu’il aperçoit le tableau qui orne la poupe, il est troublé. Dans le portrait de Constance, il a cru reconnaître sa fille. Il mande le jeune capitaine. Tout s’éclaircit. Constance est bien la fille du roi, de même qu’Isabelle est la fille du duc de Cascaës. Toutes deux avaient été enlevées par des pirates. Après en avoir délibéré avec son conseil, le roi fait décréter que Jean de Calais devra désormais être regardé comme son gendre légitime. Une seule voix a protesté : celle de don Juan, premier prince du sang, neveu du roi et amoureux dédaigné de la princesse Constance. Il est entendu qu’on armera une escadre pour aller quérir celle-ci. Le commandement en est confié à don Juan (on remarquera peut-être l’espèce de confusion qui a pu se produire dans l’esprit des conteurs bretons entre Juan et Juif ou Jouiz). L’escadre mouille dans les eaux de Calais. La ville fait à Jean une ovation. Son père même lui marque son repentir. Pendant les fêtes qui se donnent à cette occasion, don Juan demande à la princesse de lui accorder un quart d’heure d’entretien. Constance s’y refuse. Fureur dissimulée de l’amant congédié. On remet à la voile pour Lisbonne. Jean de Calais, sa femme, son fils et la suivante Isabelle sont à bord. Un orage terrible éclate. Jean de Calais se multiplie pour sauver ce qu’il a de plus précieux. Comme il s’est isolé à l’avant du navire, « pour observer le temps », don Juan se glisse derrière lui et le précipite à la mer. Désespoir, cris de Constance, quand on s’aperçoit que son mari a disparu. Don Juan s’efforce de la consoler, mais elle repousse longtemps toute consolation. À Lisbonne même, elle se renferme dans son deuil de veuve. Don Juan, cependant, toujours perfide, pousse secrètement les Algarves à la révolte, afin d’avoir l’occa-