Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/423

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    sion de les réduire à l’obéissance et de marquer son zèle pour l’État. Il revient vainqueur, se fait désigner par le conseil des Grands comme le seul digne d’épouser la princesse et finit par obtenir sa main du roi, son père. Constance toutefois résiste. Deux ans se passent. Jean de Calais n’est pas mort. Il s’est cramponné à quelque épave, a été conduit par les flots dans une île déserte où il a trouvé de quoi subsister. Un beau jour, un homme vient à lui. Jean de Calais manifeste sa surprise. « Les chemins que j’ai pris, dit l’étranger, sont inconnus aux hommes ». Il découvre au malheureux les événements qui se sont succédé depuis son naufrage. Tandis qu’ils causent, assis au pied d’un arbre, Jean de Calais se sent envahir par un invincible sommeil. À son réveil, il se retrouve dans une des cours du palais de Lisbonne. Mais son embarras est extrême. Ses habits sont en lambeaux, ses pieds nus, sa barbe d’une longueur excessive. Il se rend aux cuisines. Un « officier », touché de compassion, le charge de porter du bois aux appartements. Par hasard, il rencontre Isabelle. Celle-ci reconnaît le diamant qu’il porte au doigt. Elle communique ses soupçons à la princesse, et, sous un prétexte quelconque, introduit Jean de Calais dans les appartements de celle qui croit être sa veuve. Reconnaissance émue. Puis, châtiment du traître don Juan qui, sur l’ordre du roi, est enfermé et brûlé dans « un édifice de feu, disposé par plusieurs compartiments », lequel avait été préparé en vue de son mariage avec la princesse, « et devait offrir aux yeux un spectacle magnifique et nouveau ».

    Tel est l’abrégé, aussi succinct mais aussi fidèle que possible, du roman de Jean de Calais. Je n’en ferais ressortir qu’un détail, à savoir la part très restreinte qui y est faite au surnaturel. Il semble que l’auteur ait craint d’établir une identification entre le mort dont Jean de Calais paie les dettes et l’homme qui lui vient en aide dans l’île déserte où il risque de mourir abandonné. Dans la variante bretonne, ce mort joue un rôle bien autrement précis. L’épisode où il paraît est, en quelque sorte, le nœud même de l’histoire.

    Reste une autre question : celle d’antériorité. Il est impossible, dans les cas présents, de ne la point trancher en faveur du roman français. Le titre même de la variante bretonne en est une preuve