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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/93

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HISTOIRE PASCALE

pendants par suite d’un long usage, par suite aussi des fréquentes inclémence du ciel breton, prolongeait une ombre propice sur sa figure émaciée, toute brûlée et comme tannée au grand air. Une barbe hirsute lui mangeait les trois quarts du visage. Ses pieds nus étaient chaussés de sabots bourrés de paille de seigle. Une veste en peau de mouton lui couvrait tant bien que mal les épaules, et ses braies en toile, rapiécées de morceaux des nuances les plus diverses, étaient retenues par une corde autour de ses reins. Il portait en bandoulière son bissac de « quêteur d’aumônes ».

— Comme vous voilà équipé, monsieur le recteur ! s’écria joyeusement le meunier.

— Chut ! fit le prêtre, dehors appelle-moi Yann Divalo.

— Oit ! une fois dans les prés du moulin de Keryel, il n’y a plus rien à craindre…

— C’est ce qui te trompe, interrompit vivement Dom Karis… Mais d’abord, rentrons. Je te dirai ensuite de quoi il retourne.

Quand il fut installé dans le fauteuil du maître, au coin de l’âtre, devant l’énorme flambée pieusement entretenue par les soins de Mar’Yvonne, il commença :

— Vous êtes ici dans un fond retiré, et le tic-tac de votre moulin vous empêche d’entendre les bruit du dehors… Mais moi qui cours les routes et dont c’est maintenant le métier d’être sans cesse aux aguets comme un sauvage, j’apprends les nouvelles… Elles son t mauvaises… Un bataillon d’Étampois fouille en ce moment le pays. Ce sont des barbares, des hommes sans foi ni loi. Ils saccagent, ils brûlent, ils tuent. Ils brisent à coups de marteaux les statues des saints, ils font de la pierraille avec nos christs, mais leur grande joie est de mettre la main sur un prêtre réfractaire… Il parait qu’à quelques lieues