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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/94

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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

d’ici ils en ont rôti un, comme un simple cochon de lait… Je pense toutefois qu’ils n’en ont pas mangé… Or, ces brutes ont mon nom et ils me cherchent. Un de leurs détachements vient d’arriver à Ploubezre. Ce matin, je me suis approché du chef, en lui demandant la charité. Il m’a pris au collet, m’a secoué et m’a dit :

« — Découvre le gîte où se terre le ci-devant Dom Karîs, et tu toucheras un assignat de mille francs !

« J’ai répondu :

« — Ah ! si j’avais su ça plus tôt !… Mais les gueux comme moi ont du flair. Je retrouverai peut-être la piste.

« — À la bonne heure ! a fait l’homme ; en attendant tiens, bois-moi ça.

« Il me tendait une pleine écuellée de vin. Je l’ai vidée à sa santé.

— Pauvre monsieur le recteur ! soupira Mar’Yvonne en joignant les mains.

— Mais non, repartit Dom Karis, le vin n’était pas mauvais, et j’en fus tout ragaillardi… Je continue. Vers midi, comme je me mettais en chemin pour venir vers vous, selon ma promesse, un groupe de soudards me dépassa, à peu près à la hauteur du bois de pin, presque au sortir du bourg.

a — Tiens, c’est notre mendiant de ce matin, dit l’un d’eux, celui-là même qui m’avait fait boire… Hé, vieux ! est-ce bien par ici qu’on se rend à Keryel ?

« — Au moulin ?

« — Oui.

« — J’y vais moi-même et vous servirai, si vous voulez, de guide.

« — inutile… Il suffit que nous soyons sur la bonne voie…

« Il ajouta, en clignant de l’œil :