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Page:Le Correspondant 114 150 - 1888.pdf/296

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Puis, se ravisant et riant aussi :

— Pour nous non plus, je crois que cela ne va pas, dit-il, en faisant le même geste sur la lettre de Mme d’Oyrelles. Ils furent interrompus par le bruit d’une porte qui venait de s’ouvrir derrière un rideau. C’était sans doute Mme Magnin qui sortait de son cabinet en reconduisant quelqu’un.

Un homme d’un certain âge, assez chauve, assez ventru, avec un teint flasque et un sourire souleva la portière et, tournant le dos à l’antichambre, s’inclina à plusieurs reprises. On devinait qu’il devait saluer Mme Magnin, mais on ne la voyait pas, parce que le rideau la dissimulait.

— Je me charge de tout, disait-elle. Soyez sans inquiétude. C’est comme si c’était déjà fait.

— Que vous êtes bonne ! Dès demain je vous amènerai ma fille…

— J’en serai charmée… il faut bien que je la voie, au moins une fois, pour prendre son air… J’ai une telle habitude, que du premier coup d’œil je saurai où la caser… Ah ! à propos !… m’avez-vous donné son petit nom ?

— Parfaitement… Elle se nomme Azéline… C’est écrit sur le petit papier bleu.

— Azéline… mais ce sera tout simple. Ah ! j’ai fait des choses autrement difficiles !

Mme Magnin avança la tête pour voir qui était dans l’antichambre, et reconnaissant le domestique de Mme de Ferrand, elle eut un mouvement de triomphe qu’elle ne contint point. Se rejetant derrière le rideau, elle dit à mi-voix au père qu’elle voulait encourager :

— Tenez, ce que je viens de voir là me comble de consolation ! Voilà une affaire superbe ! un mariage délicieux ! qui doit vous donner confiance.

— Vraiment ?

— Je ne puis pas nommer, mais d’un instant à l’autre ce sera connu… D’ailleurs ils se convenaient si bien, que cela a été tout seul. Cette petite d’Oyrelles est charmante !

Puis, comme effrayée de son indiscrétion, Mme Magnin congédia à la hâte le visiteur :

— Sauvez-vous ! sauvez-vous ! j’en dirais trop ! ce futur ménage me tient tellement à cœur !

Mlle d’Oyrelles ! c’est vous qui la mariez ! ah ! bravo ! mille fois bravo !

Baptiste et son camarade échangèrent un regard :

— Oh ! oh ! dit tout bas le domestique de Mme de Ferrand.

— Oh ! oh ! répondit le concierge en soupesant sa lettre comme s’il eût voulu se rendre compte de son poids.