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Page:Le Correspondant 114 150 - 1888.pdf/295

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temps l’escalier. Il n’y avait entre eux que la différence d’un étage. Pendant que l’un tirait la sonnette en arrivant sur le palier du second, l’autre soufflait un instant sur le palier du premier. Ils se rejoignirent à la porte de Mme Magnin, parce que le temps qu’on mit à ouvrir avait permis au moins avancé de se rattraper.

— Tiens ! te voilà, Baptiste ? dit celui qui avait sonné. Tu apportes quelque chose de chez Mme de Ferrand ?

— Sans doute. Et toi, pour qui viens-tu ?

— Moi je viens pour un de nos locataires. Je suis maintenant concierge, depuis que j’ai épousé Clémentine, et je fais les commissions pendant que ma femme garde la loge.

La porte s’ouvrit. Ils entrèrent, et s’assirent côte à côte sur une des banquettes. En face d’eux, sur l’autre siège, il y avait trois femmes de chambre, qui chuchotaient.

Baptiste et son camarade prirent chacun dans leur poche de côté la lettre qu’ils venaient remettre, et la tinrent à la main, pour être tout prêts.

— Comment s’appelle-t-il, ton locataire ?

— Lequel ? nous en avons beaucoup.

— Celui qui t’envoie ?

— Ah ! ah ! je te vois venir, curieux !… D’abord, c’est un jeune homme.

— Sans doute.

— Un nommé M. de Frumand.

Baptiste se mit à rire :

— Tiens ! tiens ! tiens !… voilà qui est drôle !

— Pourquoi ?

— Nous sommes capables d’être ici pour la même affaire ?

— Comment ça ? Moi, tu comprends, c’est pour un mariage, comme de juste. Mais toi, de la part de Mme de Ferrand…

— Mon cher, dit Baptiste avec importance, tel que tu me vois j’arrive de la campagne, où nous sommes depuis hier soir, et c’est parce que la commission était pressée qu’on m’a fait prendre le train ce matin pour Paris.

— Tu viens de Fontainebleau !… de chez Mme d’Oyrelles !…

Baptiste le calma du geste, en jetant un regard sur les petites femmes de chambre :

— Pas si haut ! on pourrait nous entendre !

L’autre riait encore et tenait sa lettre devant lui, en relisant l’adresse. Tout à coup il poussa le coude à son voisin, et tapant du doigt sur l’enveloppe.

— Dis donc, Baptiste, je crois que cela ne va pas là-dedans.

— Ah ! par exemple ! Comment peux-tu le savoir ?…