Page:Le Grand Meaulnes.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

un grand malandrin et un jeune garçon à la tête serrée dans des bandages. Il y avait aussi, chez les charrons et les maréchaux, des ouvriers qui n’étaient pas du pays.

Mais, dès que nous eûmes entendu les assaillants crier, nous fûmes persuadés que nous avions affaire à des gens — et probablement à des jeunes gens — du bourg. Il y avait même certainement des gamins — on reconnaissait leurs voix suraiguës — dans la troupe qui se jetait à l’assaut de notre demeure comme à l’abordage d’un navire.

— Ah ! bien, par exemple… s’écria mon père.

Et Millie demanda à mi-voix :

— Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

Lorsque soudain les voix du portail et du mur grillé — puis celles de la fenêtre — s’arrêtèrent. Deux coups de sifflet partirent derrière la croisée. Les cris des gens grimpés sur le cellier, comme ceux des assaillants du jardin, décrurent progressivement, puis cessèrent ; nous entendîmes, le long du mur de la salle à manger le frôlement de toute la troupe qui se retirait en hâte et dont les pas étaient amortis par la neige.

Quelqu’un évidemment les dérangeait. À cette heure où tout dormait, ils avaient pensé mener en paix leur assaut contre cette maison isolée à la sortie du bourg. Mais voici qu’on troublait leur plan de campagne.

À peine avions-nous eu le temps de nous ressaisir — car l’attaque avait été soudaine comme