Page:Le Grand Meaulnes.djvu/132

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un abordage bien conduit — et nous disposions-nous à sortir, que nous entendîmes une voix connue appeler à la petite grille :

— Monsieur Seurel ! Monsieur Seurel !

C’était M. Pasquier, le boucher. Le gros petit homme racla ses sabots sur le seuil, secoua sa courte blouse saupoudrée de neige et entra. Il se donnait l’air finaud et effaré de quelqu’un qui a surpris tout le secret d’une mystérieuse affaire :

— J’étais dans ma cour, qui donne sur la place des Quatre-Routes. J’allais fermer l’étable des chevreaux. Tout d’un coup, dressés sur la neige, qu’est-ce que je vois : deux grands gars qui semblaient faire sentinelle ou guetter quelque chose. Ils étaient vers la croix. Je m’avance : je fais deux pas — Hip ! les voilà partis au grand galop du côté de chez vous. Ah ! je n’ai pas hésité, j’ai pris mon falot et j’ai dit : Je vas aller raconter ça à M. Seurel…

Et le voilà qui recommence son histoire :

« J’étais dans la cour derrière chez moi… » Sur ce, on lui offre une liqueur, qu’il accepte, et on lui demande des détails qu’il est incapable de fournir.

Il n’avait rien vu en arrivant à la maison. Toutes les troupes mises en éveil par les deux sentinelles qu’il avait dérangées s’étaient éclipsées aussitôt. Quant à dire qui ces estafettes pouvaient être…

— Ça pourrait bien être des bohémiens, avançait-il. Depuis bientôt un mois qu’ils sont sur la