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Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/215

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Où dans l'illusion d'un douloureux ennui,

Elle voit comme un bien de mourir avec lui.

Le Grand Bramine

Qu'importe qu'en mourant il n'ait point reçu d'elle

Le serment de le suivre en la nuit éternelle ?

Pensez-vous que du sang dont on sait qu'elle sort, [35]

Elle puisse à son gré disposer de son sort ?

Au nom de son époux, sa famille inquiète,

L'environne déjà pour exiger sa dette ;

L'affront dont en vivant elle se couvrirait,

Sur ses tristes parents à jamais s'étendrait, [40]

Et de sa propre gloire une fois dépouillée,

Que faire de la vie après l'avoir souillée ?

Où serait son espoir ? Sans honneur et sans biens,

Devenue et l'esclave et le rebut des siens,

Vile à ses propres yeux dans cet état servile, [45]

Ou plutôt dans l'horreur de cette mort civile,

Elle ne traînerait que des jours languissants,

S'abreuverait de pleurs et mourrait plus longtemps.

Le Jeune Bramine

Il est vrai ; cependant, pour peu qu'on soit sensible,

Avouez avec moi qu'il doit paraître horrible [50]

Qu'on réserve à la femme un si funeste sort,

Et qu'elle n'ait de choix que l'opprobre ou la mort.

Les lois même contre elle ont pu fournir ces armes !

La femme en ces climats n'a pour dot que ses charmes,

Et l'époux s'en arroge un empire odieux [55]

Qu'il laisse à ses enfants lorsqu'il ferme les yeux.

Il faut qu'elle périsse, ou bien leur barbarie

Ose lui reprocher d'avoir aimé la vie,