Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/221

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Plus habile en effet, ou plus heureux peut-être,

Dans nos remparts forcés est près d'entrer en maître : [190]

De la loi des bûchers maintenons la rigueur,

Et qu'après la conquête elle reste en vigueur.

Cette veuve bientôt se rendra-t-elle au temple ?

Le Bramine

Oui, vous allez la voir donner un grand exemple.

Tout le peuple s'empresse autour de ces lieux saints. [195]

Le Jeune Bramine

Elle va donc mourir ! Hélas ! Que je la plains !

Brillante encor d'attraits, et dans la fleur de l'âge,

Ah ! Qu'il est douloureux d'exercer ce courage,

Et d'éteindre au tombeau des jours remplis d'appas,

Que la nature encor ne redemandait pas ! [200]

Des usages ainsi l'innocence est victime ;

Ce n'est point seulement par la haine et le crime,

Que la cruauté règne, et proscrit le bonheur ;

C'est sous les noms sacrés de justice, d'honneur,

De piété, de loi ; la coutume bizarre [205]

A su légitimer l'excès le plus barbare ;

Et par un pacte affreux, le préjugé hautain

A soumis l'être faible au mortel inhumain.

Pour le bonheur commun ils n'ont point su s'entendre :

Au lieu de s'entraider par l'accord le plus tendre, [210]

Aux peines de la vie ils n'ont fait qu'ajouter ;

Ils ont mis leur étude à se persécuter.

Non, les divers fléaux, tant de maux nécessaires,

Dont le ciel en naissant nous rendit tributaires,

Dont l'homme ne peut fuir ni détourner les traits, [215]

Ne sont rien près des maux que lui-même il s'est faits.

Le Grand Bramine