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Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/231

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Vous me croyez, madame, inhumain, inflexible,

Tandis qu'à notre chef je parois trop sensible. [390]

Ses regards, attachés au séjour éternel,

Semblent ne plus rien voir dans le séjour mortel ;

Et devant les objets que les cieux lui retracent,

Les peines de ce monde et la pitié s'effacent.

Je ne m'en défends point, je suis trop loin de lui ; [395]

Je sens que je suis né pour souffrir dans autrui ;

J'obéis à mon coeur, et quand je le consulte,

Je ne crois point trahir mon pays ni mon culte.

Mais sur mes sentiments quel douloureux effort !

C'est moi qui dois, grands dieux ! Vous conduire à la mort, [400]

Moi qui, rempli d'horreur pour ce barbare office,

Renverserais plutôt l'autel du sacrifice,

Cet odieux bûcher, le premier qu'en ces lieux

Une aveugle coutume aura mis sous mes yeux.

Hélas ! Plus je vous vois, plus mon âme attendrie [405]

Répugne à cet arrêt qui vous ôte la vie.

La Veuve

Quel est cet intérêt qui vous parle pour moi ?

Est-ce à vous dans ce temple à montrer tant d'effroi ?

Comment à ces autels celui qui se destine,

Prend-il l'engagement sans l'esprit du bramine ? [410]

Ou comment, né sensible, est-on associé

À des coeurs qui font voeu d'étouffer la pitié ?

Le Jeune Bramine

Hélas ! De ses destins quel mortel est le maître ?

Je fus infortuné du jour qui me vit naître.

Faut-il que le mortel qui prévint mon trépas [415]

M'ait ici du Bengale apporté dans ses bras ?