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184 LE NIVERNOIS.

commun avec celles qui l’avoisinent : il offre un contraste frappant avec le reste du Nivernois. Nous ne discuterons point sur les différentes étymologies émises par les historiens qui en ont parlé[1], nous adoptons celle de don Bullet, tirée du celtique, mor, noir, et vand, montagnes : elle donne une idée exacte de la physionomie du pays.

Compris dans le territoire des Edues, le Morvand suivit les destinées de cette importante tribu de la race gallique. Les monuments celtiques, nombreux autrefois, y disparaissent chaque jour. La Chaise-à-Buthiau, entre la Gravelle et Château-Chinon ; Fort-Chevresse, près de Saint-Brisson ; la Roche-aux-Loups, près de Lormes, sont détruits : cependant, ceux qui existent encore, la Pierre-Ecrite, près d’Alligny ; la Pierre-de-la-Vierge, près de Saint-Martin-du-Puy ; le dolmen situé près de Marigny-l’Eglise, et le champ de menhirs disposés en files parallèles, entre le hameau de Mézot-Guichard et le village de D’hun-les-Places, sont peut-être, après ceux de la Bretagne, les monuments celtiques les plus curieux que possède la France.

Quand le Christianisme pénétra dans la contrée, une partie de ces monuments loin de perdre la vénération des habitants, furent appropriés à la foi nouvelle ; on mit une croix sur le menhir de Pierre-Ecrite ; un grand nombre de fontaines furent dédiées à des saints, reçurent le même culte ; un barrow, un peulvan, chez les Gaulois, indiquaient une sépulture ; un amas de branches, une croix indiquent aussi une sépulture chez les Morvandeaux, qui ont religieusement conservé jusqu’à nos jours les usages de leurs ancêtres. Les monuments qui furent renversés ne périrent pas entièrement : le souvenir de la Belle-Pierre, près de Cervon, comme la Chapelle-au-Chêne, près de Château-Chinon, rassemble toujours les pélerins sous l’ombrage d’un chêne, au pied duquel, selon la tradition, est enfouie la pierre qui formait l’autel de l’ancienne chapelle de Tressoles, et qu’un pouvoir surnaturel empêcha de transporter plus loin. C’est encore au souvenir d’un monument celtique qu’il faut faire remonter l’origine de la

  1. Quelques historiens font venir le nom Morvand, d’un lieu qu’ils appellent Morvennum, dont ils font la capitale de la contrée et qu’ils placent près de Cervon, à Saulieu ou à Château-Chinon : nous croyons avoir victorieusement réfuté cette opinion dans notre Promenade au Beuvray. D’autres donnent pour étymologie le nom d’un lieutenant de César, nommé Morvinus ; Adrien de Valois, donne mort vent, parce qu’il y a toujours du vent ; un autre mord vent, parce que le vent y est froid, y mord ; nous pensons celles-là trop savantes et celles-ci trop puériles.