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il n’y a pas de sot métier

crépi blanc de ses murs était invisible du chemin, parce qu’une somptueuse allée d’arbres de Noël et de pins conduisait à son portail. Mais les arbres n’étaient pas seuls à cacher la maison. Elle était enfouie sous la neige et Yvette y entrait en traversant, sous les branches basses des sapins, une véritable tranchée. Le pire, c’est que cette tranchée elle devait la creuser elle-même. Elle pelletait après chaque tempête, comme un homme.

Au temps de leur splendeur, cette maison n’avait été qu’une résidence d’été. Aujourd’hui, la fortune évanouie, c’était leur seul abri. Et quel mal avait la jeune fille à le garder habitable. Avec la guerre, la prospérité avait inondé d’argent ce pays regorgeant de touristes. Tout y était d’un prix inabordable. La maison se trouvait à deux gros milles du village. Alors, Yvette, entourée d’une forêt qui leur appartenait, mais où personne ne pouvait bûcher pour elle, ne réussissait à acheter que du bois vert qui chauffait mal, et elle devait entretenir nuits et jours, le poêle et la fournaise. Elle pouvait bien, à la hache, se faire des éclisses pour allumer ses feux, mais elle ne pouvait tout de même pas abattre elle-même ses arbres.

Elle se levait en pleine nuit, descendait quatre à quatre l’escalier, comme pour s’amuser, et jusqu’à la cave, et elle remontait espérant que son attisée fumeuse durerait jusqu’au matin. Pour que sa mère ne gelât pas toute vive à son réveil, elle descendait de nouveau vers six ou sept heures.

Sa vie, qui comportait bien d’autres obligations, était donc aussi laborieuse que celle de son ami Guy, et elle n’avait pas comme lui la consolation