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enthousiasme

d’être sur le chemin de la fortune… Elle était absolument sans le sou. Mais elle avait vingt ans, ce qui est une bien grande richesse. Elle était belle de taille, et une bouche un peu grande n’enlaidissait pas son visage mat, au nez droit, aux longs yeux gris sous des sourcils bien tracés, en demi-cercle, et un peu épais pour la mode, mais qu’elle avait l’intelligence de ne point épiler.

Ses cheveux très noirs semblaient sa seule coquetterie. Yvette n’avait pas souvent l’occasion d’arborer de belles robes, et d’ailleurs, elle n’en avait pas beaucoup. Elle ne souffrait pas de cette pauvreté, car, vivant en skis, ou à peu près, elle gardait toute la journée le pantalon si commode, pour courir de la cave à la cour, ou chez le voisin, chercher le lait, les œufs, ou téléphoner. Et si elle avait à chausser ses skis pour aller au village, havre-sac au dos, chercher viande et légumes, elle était tout de suite prête.

Alors, pour ne pas oublier pendant le long hiver qu’elle était femme, Yvette soignait sa coiffure, la changeait à tout propos. Un matin, elle laissait flotter sa noire toison, la retenant d’un ruban rouge qui la couronnait bien ; elle semblait redevenue petite fille. Un autre jour, elle empilait ses boucles luisantes au sommet de sa tête, dégageait son coup de cygne, et elle prenait un air d’impératrice. Elle avait de la race, et le costume de sport, qui en dépare tant d’autres, accentuait son type, l’avantageait. Il lui arrivait aussi, pour se donner l’illusion de se transformer pour le soir en une autre personne, de tourner ses cheveux par en dedans, en petit page ; et cela lui faisait