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mousseline

Enfin, on ouvrit la villa chez Marie. Quand Nazaire, l’homme de peine, en aurait fini avec les panneaux et l’installation, en revenant de chez lui, le matin, il ramènerait Mousseline la belle. En attendant, Marie et moi, nous en parlions déjà avec beaucoup de tendresse.

— Comme cela, dis-je aussi, je puis prévenir au village, que l’on ne me garde plus de lait ?

— Ah ! sûrement, vous pensez bien !

Et nous vîmes enfin venir Nazaire traînant une vache qui était en effet fort jolie. Mais elle meuglait à fendre l’âme. Marie décida que pour la première journée, on la garderait auprès de la maison. On sacrifierait la propreté de la partie éclaircie du bois où poussaient des fraises sauvages succulentes. On attacherait Mousseline à un sapin. Pour distraction, Mousseline verrait passer, par-dessus la haie, les deux trains du jour. On pourrait la surveiller et l’admirer aussi, car elle était belle, il n’y avait pas à le nier, elle était même très belle. Ces grands yeux, ces longs cils, ce petit cœur blanc entre les jeunes cornes, vraiment c’était merveille !

Mais elle meuglait, meuglait, meuglait à cœur fendre.

Tout l’après-midi, Marie fut sur le qui-vive. Les autres pouvaient jouer au tennis, ou se baigner, ou flâner sur la plage, Marie ne connaissait pas de repos. Ce cri, qui reprenait comme la sirène d’un bateau en détresse la rejoignait partout. Elle accourait au petit bois. Mousseline beuglait de plus belle, tournait sur elle-même, et finalement avait une patte ou deux prises dans sa corde.