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enthousiasme

Marie appelait à l’aide. Une des joueuses, laissant le tennis, venait dérouler la corde, pendant que Marie levait et tenait en l’air la patte de Mousseline. Ce faisant, elle la morigénait doucement.

— Allons ! Mousseline, tu t’ennuies ? mais pourquoi ? regarde cette herbe belle et tendre, mange, va, et tu t’habitueras à nous… Elle caressait le cou, le dos café au lait ; Mousseline semblait se consoler, mais dès que Marie s’éloignait, les meuglements reprenaient.

Tout le monde disait :

— De grâce, ne vous en occupez plus, elle va s’accoutumer.

Mais Mousseline, continuant à penser à son pré rasé, sec, où elle avait laissé des amies, et surtout une compagne qu’elle aimait comme une mère et suivait comme une ombre, Mousseline persistait dans ses lamentations. Que lui importaient tous ces succulents arbustes, et les petites fraises roses, et l’abri agréable des sapins odorants, et l’air de la mer si proche, et le passage des deux trains ? Mousseline avait décidé qu’elle s’ennuyait.

Sa journée finie, avant de repartir pour le village, Nazaire devait la traire. Après le souper, nous reviendrions pour la prière à la chapelle et pour chercher notre part du lait. Car cette vache privilégiée et ingrate paissait non seulement à l’ombre d’une maison hospitalière, mais encore à l’ombre d’une chapelle et d’un ravissant clocheton, d’une chapelle où par une faveur insigne, le bon Dieu demeurait tout l’été.