Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/385

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Chevauche saintement l’ennemi des faux dieux,
Le très-savant & très-miséricordieux
Moine dominicain fray Vincent de Valverde
Qui, tremblant qu’à jamais leur âme ne se perde
Et pour l’éternité ne brûle dans l’enfer,
Fit périr des milliers de païens par le fer
Et les auto-da-fés & la hache & la corde,
Confiant que Jésus, en sa miséricorde,
Doux rémunérateur de son pieux dessein,
Recevra ces martyrs ignorants dans son sein.

Enfin, les précédant de dix longueurs de vare,
Et le premier de tous, marche François Pizarre.

Sa cape, dont le vent a dérangé les plis,
Laisse entrevoir la cotte & les brassards polis ;
Car, seul parmi ces gens pourtant de forte race,
Qui tous avaient quitté l’acier pour la cuirasse
De coton, il gardait, sous l’ardeur du Cancer,
Sans en paraître las, son vêtement de fer.

Son barbe cordouan, rétif, faisait des voltes
Et hennissait ; & lui, châtiant ces révoltes,
Laissait parfois sonner contre ses flancs trop prompts
Les molettes d’argent de ses lourds éperons,
Mais sans plus s’émouvoir qu’un cavalier de pierre,
Immobile, & dardant de sa sombre paupière
L’insoutenable éclat de ses yeux de gerfaut.