Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/69

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Univers éternel, arbre toujours vivant,
Yggdrasill, frêne énorme aux vibrantes ramures.
Quel esprit est en toi, quel grand souffle et quel vent,
Vient t’émouvoir sans fin, et t’emplir de murmures ?

Étoiles, floraison de cet arbre géant,
Qui ressemblez aux yeux terrestres de la femme,
Fleurs brûlantes du ciel, je songe à ce néant
Où vous vous éteindrez aussi comme mon âme !

J’ai peur, mortel chétif, en cette immensité ;
La ténébreuse horreur de ces bois me pénètre ;
J’ai peur quand, au travers de leur obscurité,
Je vois tout l’infini qui menace mon être !

Pourquoi suis-je donc seul saisi d’un tel émoi,
Seul atome pensant parmi tous les atomes,
Devant ces arbres noirs qui font autour de moi
Ce grand cercle muet d’immobiles fantômes ?

Dans ce monde avec eux pourquoi suis-je venu ?
O visions, avant que la mort ne nous fasse
Pêle-mêle rouler au fond de l’inconnu,
Regardons-nous une heure encore face à face !