Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/146

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ils arrivèrent par aventure à l’ermitage de Frère Ogrin.

Au soleil, sous un bois léger d’érables, auprès de sa chapelle, le vieil homme, appuyé sur sa béquille, allait à pas menus.

« Sire Tristan, s’écria-t-il, sachez quel grand serment ont juré les hommes de Cornouailles. Le roi a fait crier un ban par toutes les paroisses : Qui se saisira de vous recevra cent marcs d’or pour son salaire, et tous les barons ont juré de vous livrer mort ou vif. Repentez-vous, Tristan ! Dieu pardonne au pécheur qui vient à repentance.

— Me repentir, sire Ogrin ? De quel crime ? Vous qui nous jugez, savez-vous quel boivre nous avons bu sur la mer ? Oui, la bonne liqueur nous enivre, et j’aimerais mieux mendier toute ma vie par les routes et vivre d’herbes et de racines avec Iseut que, sans elle, être roi d’un beau royaume.

— Sire Tristan, Dieu vous soit en aide, car vous avez perdu ce monde-ci et l’autre.