Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/24

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tant d’hommes et de tant de femmes, s’est d’autant mieux emparée des cœurs qu’elle est, ici, purifiée par la souffrance et comme consacrée par la mort. Au milieu de la fragilité ordinaire des affections humaines, des déceptions renouvelées que subit l’illusion toujours changeante, le couple de Tristan et d’Iseut, rivé dès l’abord d’un lien mystérieusement indissoluble, battu par tous les orages et y résistant, essayant vainement de se déprendre et finalement emporté dans un dernier et éternel embrassement, apparaissait et apparaît encore comme une des formes de cet idéal que l’homme ne se lasse pas de faire planer au-dessus du réel et dont les aspects multiples et opposés ne sont que des manifestations diverses de son aspiration obstinée vers le bonheur. Si cette forme est une des plus séduisantes et des plus émouvantes, elle est aussi une des plus dangereuses : l’histoire de Tristan et d’Iseut a versé jadis, on n’en saurait douter, dans plus d’une âme un poison subtil, et aujourd’hui encore, préparé par le magicien moderne qui y a joint la