Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/55

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core enfoncé dans son crâne. Iseut la Blonde l’en retira pour l’enfermer dans un coffret d’ivoire, précieux comme un reliquaire. Et courbées sur le grand cadavre, la mère et la fille, redisant sans fin l’éloge du mort et sans répit lançant la même imprécation contre le meurtrier, menaient à tour de rôle parmi les femmes le regret funèbre. De ce jour Iseut la Blonde apprit à haïr le nom de Tristan de Loonnois.

Mais, à Tintagel, Tristan languissait : un sang venimeux découlait de ses blessures. Les médecins connurent que le Morholt avait enfoncé dans sa chair un épieu empoisonné, et, comme leurs boissons et leur thériaque ne pouvaient le sauver, ils le remirent à la garde de Dieu. Une puanteur si odieuse s’exhalait de ses plaies que tous ses plus chers amis le fuyaient, tous, sauf le roi Marc, Gorvenal et Dinas de Lidan. Seuls, ils pouvaient demeurer à son chevet, et leur amour surmontait leur horreur. Enfin, Tristan se fit porter dans une cabane construite à l’écart sur le rivage ; et, cou-