Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/56

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ché devant les flots, il attendait la mort. Il songeait : « Vous m’avez donc abandonné, roi Marc, moi qui ai sauvé l’honneur de votre terre ? Non, je le sais, bel oncle, que vous donneriez votre vie pour la mienne ; mais que pourrait votre tendresse ? il me faut mourir. Il est doux, pourtant, de voir le soleil, et mon cœur est hardi encore. Je veux tenter la mer aventureuse… Je veux qu’elle m’emporte au loin, seul. Vers quelle terre ? je ne sais, mais là peut-être où je trouverai qui me guérisse. Et peut-être un jour vous servirai-je encore, bel oncle, comme votre harpeur, et votre veneur, et votre bon vassal. »

Il supplia tant, que le roi Marc consentit à son désir. Il le porta sur une barque sans rames ni voile, et Tristan voulut qu’on déposât seulement sa harpe près de lui. À quoi bon les voiles que ses bras n’auraient pu dresser ? À quoi bon les rames ? À quoi bon l’épée ? Comme un marinier, au cours d’une longue traversée, lance par-dessus bord le cadavre d’un ancien compagnon, ainsi, de