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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/210

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12 LE SYLPHE LE BAISER DE LA RELIGIEUSE NOUVELLE Par Emile TROLLIET. (suite) — Je vous remercie, Monsieur l'abbé, de votre intention compatissante et pieuse. Sans être pratiquant, je crois à un Dieu juste et bon, et je pense qu'il me tiendra compte de mon sang versé pour mon pays. Je respecte donc le sentiment qui vous inspire ; bien plus, je crois tellement à votre générosité et à votre loyauté, que j'ose vous demander un service... délicat- intime même. — Si je puis, je vous le rendrai de grand cœur, lui dis-je. Alors, de sa main il essaya de prendre sous une ample cein ture bleue toute ensanglantée par sa blessure, un objet dissi mulé avec soin, et sans doute avec piété. Je devinai aussitôt un cher et noble souvenir, qu'on place sur son cœur avant la bataille, afin qu'il aide pendant, à bien se battre, et après, à bien mourir. Je songeai à une médaille, à une de ces reliques saintes que vous donne au moment du départ la main d'une mère ou d'une sœur. Je me trompais. C'etait un paquet de lettres. Ou plutôt, je ne me trompais qu'à moitié, car, aussi religieusement que nous autres prêtres nous touchons à la croix? le jeune homme prit les lettres et les porta à ses lèvres. Puis, me parlant à voix basse, comme pour me faire com prendre que sa demande allait commencer par un aveu. — Voudriez -vous vous charger, me dit-il, de remettre ces lettres à la personne que je vais vous nommer ? — Bien volontiers, répondis-je, et devinant au tendre culte qu'il avait pour ces lettres, leur origine féminine et chérie, j'ajoutai : puissé-je ainsi consoler la fiancée ou l'épouse assez noble pour avoir été choisie par vous ! Alors, il rougit un peu autour de ses beaux yeux si purs, si francs, et me dit en baissant encore la voix, comme dans un confessionnal. — Elle n'est ni mon épouse, ni ma fiancée... elle est la femme d'un autre. Une grande tristesse se répandit soudain sur mon visage. Il s'en aperçut, et dit aussitôt avec vivacité. mais si noble ! Je ne mentirai pas, je ne vous dirai pas qu'il est Notre amour était coupable,