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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/217

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REVUE DES ECRIVAINS DAUPHINOIS 19 BALLADE EN PROSE A C. M. et aux Copaings du Vieux Lycée de Grenoble. Dans un village d'une antique, lointaine et belliqueuse province de France, une jeune mère rose élève son enfant. Les prés sont frais et verts; un ruisseau sonne sur des galets; les Alpes rougis sent au soleil suprême dans un horizon fumeux et vermeil. La mère caresse son enfant et répète en l'embrassant : — « Grandis, grandis, mon mignon, tu feras un beau soldat ! » — Pfeu, pfeu... chante le vent mélancolique dans les noyers trappus, chargés de noix vertes. Le voilà dans le vieux collège de Jésuites qui est devenu le Lycée d'aujourd'hui. — Une etude morne et nue; des casiers jaunes contre les murs, un poêle sans feu, un pion habillé de noir. — Sur des livres délabrés, réceptacles de la sagesse antique, sur les rudiments des mornes mathématiques, le jeune élève pâlit. — « Travaille, travaille, lui répètent ses maîtres, c'est ainsi que tu te feras un avenir et que tu pourras devenir un beau soldat. » — Pfeu, pfeu... chante le vent mélancolique sous la grande voûte de la rue du Lycée, et au travers des arbres dépouillés de la prison. Mais l'indocile enfant a grandi ; bien qu'il se soit plus souvent accoudé aux tables des brasseries et des estaminets qu'aux pupi tres des lycées, le voilà élève à l'Ecole militaire. — Hourrah! il peine sous le harnois et pénètre les secrets de l'art de la guerre ; le voilà soldat, cette fois, pour de bon. — « Dans deux ans, je serai officier, pense-t-il, pour se consoler... » — Pfeu, pfeu... chante le vent mélancolique sur le plateau dé sert de Satory. Enfin... au bruit éclatant des sonneries et des fanfares, le nouvel officier s'avance dans son uniforme resplendissant. — Mais bientôt il s'ennuie dans sa garnison. Le café, le jeu, les femmes, l'exercice ont peine à occuper son désœuvrement. — Toujours ces bruits de