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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/269

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REVUE DES ECRIVAINS DAUPHINOIS 71 trouver la chose étonnante ce n'est pas le langage que vous teniez hier devant la Flore ? — C'est vrai, monsieur; si je vous ai tenu ce langage c'est que j'ai trouvé votre adoration extraordinaire et dépassant mon admiration pour la peinture. — Vous avez trouvé que je donnais trop à une beauté inerte au détriment d'une beauté vivante et vous n'avez pas craint de troubler une existence qui n'aspirait plus à l'amour, à cet amour qui fait souffrir ceux qui, comme moi, l'ont oublié et l'ont chassé de leur cœur. . . Malgré lui, en disant cela, Floras laissait percer la passion qui bouillait en lui. . . — Pardonnez-moi, dit Blanche en lui prenant les mains et en donnant à son accent une intonation émue. Pour moi, la vie, la raison de vivre, c'est l'amour, si vous me trouvez tort, fuyez-moi ! Floras se laissa tomber à genoux et ne put que baiser les mains blanches de la courtisane, égaré, perdu, dans le tourbil lonnement d'un amour véritable, qui depuis longtemps n'avait pu se donner cours. Et cette heure fut une heure de sa jeunesse passée, où l'élément féminin était l'unique soleil de sa vie; et il en eut, dans la nuit qui suivit cette scène, le souvenir brûlant et réel ! Le jour, pour lui, se leva radieux! jamais le bonheur ne lui avait paru si doux. Il alla retrouver l'amante qu'il avait quittée depuis quelques heures, les yeux brillants d'inspirations et sur les lèvres de poétiques choses qu'il allait dire à la Florentine. Il vint frapper à la porte qui s'était si complaisamment ouverte pour lui, mais le silence du vide répondit seul : la courtisane avait satisfait un étrange caprice et se dérobait, maintenant, pour éviter, plus tard, les plaintes d'un poète désabusé ! Floras se frappa le front ! et devant la torture qui broya son cœur, il sentit qu'il avait été parjure à sa religion morale, qu'il avait failli en renouant une passion funeste à son imagination, qui s'était habituée, désormais, à vivre en dehors de toute matérialité. Du bonheur pur du passé, des amours charmantes et platoni ques qui enchantaient son esprit, de toutes ses joies innocentes et idéales, que lui restait-il ?. . . une souffrance de damné ! Joanny PITAUD.