9° LE SYLPHE Et certes, si l'on considère l'harmonie du rythme jointe au naturel et au sentiment, on est forcé de convenir qu'Arnaud de Marveil eut mérité, trois siècles avant Alain Chartier, une récom pense semblable à celle que la bouche de la Dauphine Marguerite d'Ecosse devait donner un jour à son poète endormi. Comme Alfred de Musset, Arnaud de Marveil a aimé et il a chanté son amour ; il a aimé, et il a souffert par cela même qu'il aimait. Il nous conte sa passion simplement, naïvement et sincèrement comme il l'éprouve ; il nous intéresse par lui-même et par ce qu'il nous raconte de lui-même, plus encore que par la façon dont il le dit. Ses chants sont éclos dans son âme bien avant qu'il leur donne l'essor vers celle qui ne les écoutera peut- être pas toujours. En un mot, il est avant tout confiant et sincère, tandis que l'auteur des Nuits et de Namouna n'étale parfois sous nos yeux que des pleurnicheries oiseuses quand il vient d'être plus ou moins trompé par Yune ou Vautre de ses maîtresses. Grenoble, le 4 Novembre 1880. C. NIEMAND. LE CRIME — Oh ! la bonne petite ferme savoyarde, rencontrée l'autre au tomne en montagne au hasard de la route, par cet alpiniste fer vent que j'étais alors; la bonne petite ferme, avec son toit d'ardoises aux larges auvents bien rabattus sur elle comme pour en couver l'intimité, avec sa châtaigneraie centenaire alentour et son pâturage escarpé, pareil à un drapeau de satin vert per pendiculairement accroché au flanc des montagnes... Et quelle paix, en ce plein midi qui m'amenait vers elle, quelle paix reposante semblait s'en exhaler ! La grand'halte serait ex quise en ce coin de paradis perdu. Même à distance et vue du chemin, sa petite porte basse semblait accueillante quoique fer mée, et le chien de garde n'était pas ce dogue féroce et hérissé qui menace de ses crocs le mollet du passant, mais une honnête et brave figure de chien ami, qui semble vous avoir connu tou jours, et vient vous lécher les mains, comme envoyé par les maîtres pour vous souhaiter la bienvenue... Il devait y avoir là une ménagère aimable et proprette, grasse et potelée comme sont les femmes de ce pays, et portant, attaché au cou, un gros cœur d'or à la jolie mode de Savoie. On devi nait, peut-être un vieux papa en blouse, aux longs cheveux gris,
