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Egerie, qui lui communiquoit la volonté des Dieux. Il est remarqué dans l’histoire romaine que les principaux de la ville de Rome après avoir emploïé inutilement toutes sortes d’artifices, pour empêcher que le peuple ne fut élevé aux magistratures, eurent enfin recours aux prétextes de la religion, et firent accroire aux peuples qu’aïant consulté les Dieux sur cette affaire, ils avoient témoigné que c’étoit prophaner les honneurs de la république que de les communiquer à la populace ; et que cela étant ils les suplioient instamment de renoncer à cette prétention, feignant le desirer ainsi, plutôt pour la satisfaction des Dieux, que pour leur intérêt particulier. Et la raison pourquoi tous les grands politiques en usent ainsi envers les peuples, c’est, suivant leur dire, après celui de Scevola, grand pontife, et après celui de Varron, grand theologien en leur tems, c’est parce qu’il est besoin, disent-ils, que le peuple ignore beaucoup de choses vraïes et en croïe beaucoup de fausses[1]. Et le divin Platon lui-même, parlant sur ce sujet, dit tout détroussément en sa République que pour le profit des hommes, il est souvent besoin de les piper, comme le remarque le Sr. de Montagne[2]. Il semble néanmoins que les premiers inventeurs de ces saintes et pieuses fourberies avoient encore au moins quelque reste de pudeur et de modestie ou qu’ils ne savoient pas encore porter leur ambition si haut, qu’ils auroient pu la porter, puisqu’ils se contentoient pour lors de s’attribuer seulement l’honneur d’être les dépositaires et les interprêtes des volontés des Dieux,

  1. Essai de Montagne, p. 503.
  2. Idem, p. 479.