Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 2, 1864.pdf/182

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suivre, ni pratiquer ces maximes-là, sans laisser librement faire les méchans tout ce qu’ils veulent, ou tout ce qu’ils voudroient, dire aux gens de bien qu’il faut suivre ces susdites maximes-là, c’est comme si on leur disoit qu’ils doivent laisser faire les méchans ; ce qui tend manifestement comme j’ai dit, à un renversement d’ordre et de justice et par conséquent ces maximes-là sont manifestement fausses et préjudiciables au véritable bien public.

Il est bien vrai qu’il y a quelquefois certains cas et certaines rencontres, dans lesquels il vaudroit mieux souffrir passiblement quelque tort, quelque dommage, quelque injure, et quelqu’injustice, que de vouloir s’en venger, et dans lesquels il vaudroit mieux céder quelque chose aux méchans, que de ne vouloir jamais rien leur céder. On sait bien qu’il est de la prudence, dans des occasions, de choisir un moindre mal pour en éviter un plus grand ; il faut acheter la paix quand on ne peut l’avoir autrement. Mais dire généralement, suivant les maximes de la Morale Chrétienne, qu’il faille tout souffrir des méchans, qu’il faille se laisser dépouiller, se laisser maltraiter, se laisser déchirer, et si l’occasion se présentoit, se laisser brûler tout vif, et qu’il faille encore avec cela aimer les méchans et leur vouloir, ou leur faire du bien, et tout cela sous prétexte d’une plus grande perfection de vertu, et sur l’espérance vaine et trompeuse d’une plus grande récompense éternelle, qui ne viendra jamais : ce sont des erreurs ridicules et absurdes, des erreurs contraires au bon sens, contraires à la nature