Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 2, 1864.pdf/187

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manifestement injuste et odieuse et contre le droit de la nature même : c’est aussi ce qu’un Auteur judicieux du dernier siècle a fort bien remarqué dans ses caractères. Mettez, dit-il,[1] l’autorité, les plaisirs et l’oisiveté d’un côté, la dépendance, les soins et la misère de l’autre, ou ces choses, dit-il, sont déplacées par la malice des hommes, ou Dieu n’est pas Dieu. Une trop grande disproportion, dit-il encore, et telle qu’elle se remarque parmi les hommes, est leur ouvrage et la loi des plus forts. Nous avons tous, dit Sénèque,[2] une même naissance et une même origine, il ne se trouve aucun qui soit plus noble que l’autre, si ce n’est lui qui a l’esprit meilleur et plus capable de la vertu et des sciences littérales. La nature, dit-il, nous fait naître tous parens et alliés, quand elle nous engendre de même nature et à même fin. C’est pourquoi il ajoute, que tous ces noms et qualités de Rois, de Princes, de Monarques, de Potentats, de Noble, de sujet, de vassal, de serviteur, d’affranchi, d’esclave sont des noms que l’ambition a engendré, et que l’injure et la tirannie ont fait naître.

Nos Christicoles eux-mêmes ne sauroient aller en cela contre les sentimens de ce Philosophe Païen, puisque leur Religion même les oblige de se regarder et de s’aimer tous les uns les autres comme frères, et qu’elle leur défend expressément de vouloir dominer impérieusement les uns sur les autres. Ce qui se voit manifestement pas ces paroles expresses que leur Jésus-Christ disoit à ses Disciples. Vous savez, leur disoit-

  1. Au Chap. des Usages.
  2. Liv. 3 des bienfaits Ch. 28.