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plus heureux et plus contens, qu’ils ne sont : car on ne verroit point de misérables et de malheureux sur la terre, comme on y en voit tant tous les jours. Voici comme un ancien Philosophe parle sur ce sujet chez Senèque, fondé sur le raport de Possidonius, autre plus ancien Philosophe ; voici ce qu’il dit dans son Épitre 90 :

» Dans ces siècles fortunés, dit-il, que l’on apelle siècle d’or, tous les biens de la terre demeuroient en commun, pour être jouis indifféremment par tous et auparavant que l’avarice et la folle dépense eussent rompu cette Société, qui étoit entre les mortels, et que d’une communauté ils eussent courrus au pillage. Il n’y a homme au monde, dit-il, qui put louer et priser davantage aucune autre façon de vivre entre les Humains, ni donner aux peuples des moeurs et des coutumes plus louables et meilleures que celles, que l’on raconte avoir été entr’eux, parmi lesquels, dit-il, par bornes et confins on ne voïoit aucun qui divisât les champs, tous vivoient en commun, la terre même, lors sans aucune sémence libérale, portoit tout fruit en abondance ; que pouvoit-on voir, dit-il, de plus heureux que cette sorte d’hommes ; la nature et les choses étoient jouïes de tous en commun ; elle seule, comme mère, suffisoit à tenir tout le monde sous sa tutelle, c’étoit une possession très-assurée des richesses publiques. Pourquoi ne pourrois-je dire à bon droit que cette condition d’hommes étoit infiniment riche, entre lesquels on ne pouvoit trouver un seul pauvre. L’avarice, dit-il, se jetta d’abord sur des choses saintement réglées, et comme elle désira de re-